Les semences s’appellent désormais « matériels de reproduction végétative »

Nouvelle loi Européenne sur les semences : qu’est-ce qui change ?

Cette régulation est elle nécessaire ?

Jeudi 23 mai 2013, par Tineke Aarts // 6. Semences et pesticides.

Les inquiétudes se concentrent autour trois questions clés. Avec cette future loi, les graines peuvent elles encore être librement échangées entre jardiniers ? Cette loi va t-elle limiter les variétés disponibles sur le marché, donc appauvrir la biodiversité ? Cette loi va t’elle défavoriser les agriculteurs / maraîchers biologiques et les petits entreprises qui produisent des semences ?

La commission répond en 18 questions et réponses. Malheureusement ce texte instructif (6 pages) est uniquement disponible en Anglais et n’est pas daté. Je vous inclus un copie en PDF, pour garantir que ce texte reste disponible même quand il disparaîtra du site officiel de la commission Européenne.

18 questions et réponses sur la nouvelle loi sur les semences, publiées par la commission Européenne, c’est ici :

http://ec.europa.eu/food/plant/plan…

La commission Européenne essaie de nous convaincre que tout va bien se passer. Néanmoins, en lisant le texte, je constate que plusieurs réponses contiennent des pièges importants. Je vous présente quelques questions et réponses en particulier.

La proposition n’a pas de conséquences directes pour les jardiniers privés, car elle concerne uniquement la production et la commercialisation de matériels de reproduction végétatives. Donc par exemple, les trocs de graines restent possibles.

Note : pour bien comprendre ce texte, il faut bien réaliser que les semences s’appellent désormais dans ce langage technocrate ‘matériels de reproduction végétatives.’

Une question importante est la suivante : Les agriculteurs peuvent-ils produire et utiliser uniquement des semences certifiées ?

La réponse est non. Ils sont libres à produire ce qu’ils veulent. Mais attention… La proposition contient le droit de déterminer, dans un stade plus tard, si certains végétaux devraient être produits et commercialisés uniquement à la condition d’être certifiés. Cela concerne les semences des plantes qui sont importantes pour la sécurité d’alimentation, et qui demandent un niveau plus élevé d’identité, de santé et de qualité.

La réponse continue en soulignant le fait que pour certaines plantes, dans l’agriculture, le système de certification fonctionne depuis des décennies avec succès sous les législations existantes ; ce système est accepté largement par les Etats membres de l’Union Européenne et les secteurs d’agriculture impliqués.

Ma question à la commission : quelles personnes doivent être convaincues avec cette dernière phrase ? La forte polémique autour de cette problématique me semble volontairement ignorée.

La réponse sur cette question résumée : un plus grand choix des semences améliorées et testées sera disponible sur le marché pour les consommateurs. Les règles de la commercialisation seront adaptés au type de semences, le système de la production et à la taille de l’entreprise.

Question : La nouvelle proposition de loi oblige t’elle à inscrire toutes les variétés traditionnelles, cultivées depuis longtemps ?

Attention à la réponse donnée : En général, l’obligation d’inscrire les variétés ne concerne que les 150 espèces (sic !) qui sont considérées importantes pour la production et la commercialisation des matériels de reproduction végétative dans l’Union européenne. Il est intéressant de noter que la commission va veiller à ce que ces semences apportent un nom clair, pour ne pas ’tromper le consommateur et l’agriculteur’.

Pour les autres variétés, il est prévu qu’une inscription ‘officially recognised description’ pour les matériels de reproduction (= semences), dites ’de niche’, sera possible avec un dossier moins lourd et coûteux.

La proposition tient-elle compte des intérêts des petites entreprises ?

Cette réponse est intéressante car elle mentionne que l’Union Européenne compte 7000 entreprises qui vendent des semences, dont la majorité de taille moyenne ou petite (PME). Bien sûr, ces entrepreneurs PME sont considérés comme importants. Ils vont garder le droit de vendre « niche market material » même sans obligation d’inscrire ces semences dans le catalogue… Mais attention au piège. Ailleurs dans le texte, on a déjà pu constater que ces semences peuvent n’être produites et vendues qu’en petites quantités et que certaines variétés peuvent encore, dans un stade ultérieur, entrer dans l’autre registre.

La réponse sur la question si cette proposition de loi sauvegardera l’agro-biodiversité, dit clairement que les micro-entreprises, qui s’occupent de cette diversité naturelle, peuvent vendre leurs "matériels" de reproduction végétative (quel horrible langage technocratique pour désigner les semences) qu’en petites quantités !

Quelle sauvegarde ! Autrement dit, les graines naturelles, importantes à sauvegarder, ne seront plus jamais utilisées pour les grandes surfaces agricoles. Même si de grands agriculteurs souhaitent acheter des graines d’une variété rare en quantité importante chez une petite entreprise semencière, ce sera (selon mon interprétation de ce texte) impossible par loi.

La commission se félicite de cette nouvelle approche ; d’offrir la liberté de continuer à commercialiser les anciennes variétés. Néanmoins, la question de la sauvegarde de l’agro-biodiversité n’est pas résolue, vues les restrictions nombreuses

Je me pose la question : pourquoi cette loi ?

La réponse à question 9 mentionne que le consommateur ne devait pas être induit en erreur. Il doit être protégé, c’est pourquoi il est important qu’il connaisse ’le nom, la qualité et l’identité’ des semences qu’il achète.

Les semences sont testées sur les trois critères ‘DUS’ : Distinction, Uniformité et Stabilité. La réponse à la question 6 nous explique que ce sont seulement les graines concernées par la certification (la liste de 150 variétés) car elles ont une importance pour notre santé.

Voilà le plus grand piège… Car l’inscription au catalogue ne vise pas à protéger les consommateurs contre des risques sanitaires ou environnementaux, par exemple contre les risques des graines enrobées de pesticides néonicotinoïdes. Dès que les graines répondent aux critères, dites ’DUS’, elles sont acceptées. Ce qui dit la commission dans la réponse 6 : ’les semences certifiées présentent une meilleure qualité pour la santé’, me semble à contester.

Il est reconnu actuellement que les traces des pesticides avec lesquels les graines sont enrobées, restent présentes dans la plante, le fruit, le sol et l’eau. Les pétitions pour demander l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes (très toxiques et utilisées pour enrober les graines) obtiennent de millions de signatures. Néanmoins, ces semences passent sans aucun problème ces tests, dites ’DUS’.

C’est la commission Européenne qui trompe les consommateurs ont les faisant croire qu’elle veille sur la santé des consommateurs et des agriculteurs, qui travaillent avec les graines certifiées. Ces semences certifiées, ’améliorées’ avec pesticides et rendues stériles peuvent être bien plus dangereuses pour la santé et l’environnement que les graines naturelles !

Donc encore : Pourquoi cette loi ?

Les entreprises semencières qui inscrivent une semence d’une variété spécifique obtient le droit de propriété des "obtenteurs" de l’espèce (Certificat d’obtention végétale). Ils ont payé pour la recherche et pour un dossier coûteux. Ressemer des semences certifiées est interdit. Mais l’idée derrière cette propriété d’une espèce va plus loin. Par exemple, quand agriculteurs ressèment des semences non certifiées de leur propre récolte, comme ils ont toujours fait, en améliorant les semences (= travail et recherche), on parle d’un coup d’un concurrence déloyal. Parce qu’ils ont rien payé pour le dossier et les droits (= administration et loi). Suivant cette logique, la France à adopté une nouvelle loi en novembre 2011 qui oblige des agriculteurs qui ressèment leur récoltes à payer un taxe à… l’industrie semencière ! Affaire réglée. C’est à craindre que l’EU va suivre ce chemin pour toute l’Europe, car cette proposition de loi donnera des moyens juridiques.

Kokopelli a prévu que cela allait se passer. Cet organisation a toujours eu l’opinion qu’il n’est pas nécessaire de soumettre les semences à une procédure préalable de mise sur le marché, comme les pesticides ou les médicaments, pour les cataloguer dans un registre. Un règlement de base fixant des critères minimums en termes de qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique pourrait suffire (voir aussi Kokopelli, nr. 5, 2012/ 2013).

Le pire est l’hypocrisie de ce texte qui dit de vouloir ‘protéger’ les consommateurs, pour qu’ils ne soient pas trompés… Parce que les consommateurs ne peuvent plus avoir confiance, ni dans les semences qui produisent leur alimentation, ni dans la façon dont leurs intérêts sont défendus.

Puisque il s’agit d’une proposition de loi, il est encore temps de débattre de la question ’Qu’apporte cette loi et à qui ?’ et de tirer la sonnette d’alarme. Car cette loi nous concerne tous : consommateurs, jardiniers, maraîchers, agriculteurs et petites entreprises semencières.

En résumant :
  • les trocs des graines restent possibles car la loi concerne que ’la production et commercialisation’ des semences.
  • vendre des semences naturelles veut dire dans le futur « vendre des matériels de reproduction végétative pour un marché de niche, seulement en petites quantités et en tenant compte du fait que ces variétés peuvent entrer plus tard encore dans la législation officielle qui contient actuellement 150 espèces ».
  • les variétés anciennes peuvent être enregistrées plus facilement avec un ‘officially recognised description’ pour un prix réduit. Mais les quantités à vendre seront également réduites. De surcroît, les variétés peuvent, plus tard encore être déplacées pour être incluses dans l’autre registre. Les milliers d’entreprises PME obtiennent donc ‘une aire de jeux’ bien limitée et risquée. Limitée car les semences de 150 types de végétaux, définis comme importants pour nourrir l’humanité ne seront pas libres et facilement accessibles ; en effet, la procédure d’inscription restera trop coûteuse et compliquée. Risquée car si ces entreprises PME vont investir de l’argent dans la recherche pour améliorer une variété ancienne, elles risquent à tout moment de devoir payer une inscription dans ce lourd dossier officiel, car la loi prévoit cette possibilité. Pour les entreprises semencières de taille petites et moyennes : investir = mourir.
  • cette « régulation par loi » du marché des semences signifie qu’on ne peut plus parler d’un libre marché ou du libéralisme. La commercialisation (le marketing) sera bien définie. Il est organisé par la loi qui peut vendre quelles semences et en quelles quantités. Normalement, les investissements des entreprises doivent se regagner avec la demande dans un marché où il y a de la concurrence et non pas avec une demande imposée par la loi. Pour les grandes entreprises semencières : investir = gagner.
  • la commission souhaite avec cette proposition veiller sur la santé des consommateurs et veiller sur le fait qu’ils ne soient pas trompés par des noms et les identités des variétés disponibles dans l’EU. Mais les semences qui répondent aux critères, dites DUS, ne tiennent pas en compte les risques pour la santé de la population et pour l’environnement d’enrobages de pesticides ou éventuels modifications génétiques. C’est la commission elle-même qui trompe le consommateur en suggérant une sécurité qu’elle ne peut garantir.
  • D’autres variétés seront introduites dans cette organisation du marché, dont déjà les graines d’arbres, des vignes et des plantes de pépinières (voir question 1 et 18).

Cette proposition risque d’avoir des effets opposés à ce nous fait croire la commission :

  • un nombre réduit des variétés des semences disponibles sur le marché principal, qui concerne les grandes surfaces agricoles en Europe
  • les prix des semences vont augmenter par un choix réduit des semences certifiées, utilisables pour ce marché principal
  • réduction de la liberté de produire et de commercialiser les semences pour tous, égalités des droits
  • réduction du nombre d’agriculteurs qui peuvent vivre de leur travail car ils seront tous soumis aux règles imposées.
  • pas la peine pour les petites entreprises d’investir dans la recherche, que la sauvegarde des variétés de niche est encore tolérée.
  • l’augmentation de la vente des semences enrobées de pesticides est à prévoir
  • L’augmentation des procès contre ceux (agriculteurs et petits entreprises semenciers) qui refusent de répondre à cette loi, jugée injuste.

Ci-joint articles pour en savoir plus :

http://lesbrindherbes.org/2013/05/0…

http://www.lemonde.fr/planete/artic…

Le 16 mai 2013, Dominique Guillet, le fondateur de Kokopelli a réagi à cette proposition de loi. C’est en anglais et en espagnol. Il a ajouté un petit mot pour les Français… (à traduire avec Google traduction) : « PS : As to the French, in this seed-list, who prefer to keep the debate very complex, technocratic, tortuous, circonvoluted, boring and vain, they would better learn English, the official language of the demented Authorities - if they want to play their game.”

http://semillasdeidentidad.blogspot…

Samedi 25 mai, Marche aigainst Monsanto

Ce samedi, le 25 mai, il y aura partout dans le monde des « March against Monsanto  » Monsanto inspire les gouvernements à créer des telles lois, dont profitent uniquement les entreprises multinationales. L’activiste Vandana Shiva est internationalement reconnue pour son combat pour les semences libres. Elle appelle à joindre les protestations ce samedi. Cette vidéo récente est en anglais. Par contre, en You Tube on trouve des vidéos de Vandana Shiva sous-titrés en Français. https://www.youtube.com/watch ?

Pour info. Réglementation sur la commercialisation des semences et plants sur le site de Réseau Semences paysannes :

v=dfUMHhrQamwhttp://www.semencespaysannes.org/re…

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