Fauchage ou Gyrobroyage d’une pelouse sèche.

Mardi 31 juillet 2018, par Daniel Pareuil // Oiseaux de France, dans le Lot (46)

Ce courrier à l’attention de Monsieur le Maire de Rocamadour et de son conseil municipal a pour objet d’informer des faits, de susciter la réflexion et pour ceux qui le souhaite de transmettre leur avis.

Daniel Pareuil Gramat le 23/07/2018

A Monsieur le Maire et son Conseil Municipal de Rocamadour,

Objet : Fauchage ou gyrobroyage d’une parcelle communale près de Magès, à proximité du lieu-dit le Cloup (Rocamadour) (46).

Ce courrier est une démarche personnelle, compte tenu de l’intérêt ornithologique des lieux et de la connaissance que j’en ai, du fait de ma fréquentation régulière du site depuis plusieurs années.

Situation des lieux : La parcelle communale se situe près du lieu-dit « Le Cloup », en face du petit lac de Magès et proche de l’intersection des routes de Couzou à Rocamadour et de Magès à La Pannonie. Cette parcelle communale est bordée par le chemin GR46 qui la sépare d’une friche arbustive. Une piste desservant d’autres parcelles la traverse en oblique.

Intérêt environnemental de cette parcelle communale et alentours : Le secteur offre un paysage magnifique que l’on ne se lasse pas de découvrir et de contempler. Observant les oiseaux régulièrement sur ces lieux depuis 2003, j’ai pu croiser de nombreux randonneurs qui s’extasient sur la beauté des lieux.

L’ensemble : friche arbustive, portion de chemin GR46 bordée de deux haies, parcelle communale en pelouse sèche, petit lac et prairies maigres aux alentours, est très représentatif des causses lotois.

La flore typique des causses y est magnifique et la richesse ornithologique est de haute valeur.

Dans la friche arbustive nichent de nombreux passereaux, dont les Fauvettes passerinette et orphée Sylvia cantillans et Sylvia hortensis.

Les Fauvettes passerinette et orphée sont des oiseaux méditerranéens. Dans le département du Lot, nous avons une petite population de ces espèces à préserver.

Les haies bordant la portion du chemin GR46 offrent aux oiseaux un double support : d’observation stratégique avant de traverser l’espace découvert de la pelouse sèche, et de nidification.

La pelouse sèche de la parcelle communale abrite la nidification des Alouettes des champs et lulu Alauda arvensis et Lullula arborea, et parfois d’un couple de Pipit rousseline Anthus campestris. Ce sont des espèces nichant au sol. Ce couple de Pipit rousseline qui niche dans le secteur depuis plusieurs années, est en limite extrême de la population méridionale française de l’espèce. Ici, dans ce lieu, se situe la rupture avec la population Ouest Atlantique. (Voir l’annexe 1.) Il est important de limiter l’érosion de la répartition de cette espèce.

Quant aux Alouettes des champs, le dernier inventaire ornithologique de Midi-Pyrénées (2012) fait état, parmi ses « carrés » inventoriés, de seulement quatre « carré » attestant de la présence dans le Lot de couples « nicheur certain », dont un « carré », précisément dans notre secteur ! (Voir les annexes 2 et 3.)

Dans le petit lac, les oiseaux et les autres animaux trouvent l’eau pour boire et se baigner, indispensable à leur survie.

Les prairies maigres proches hébergent également les Alouettes des champs et lulu, et parfois le couple de Pipit rousseline.

La liste des oiseaux fréquentant les cinq milieux de ce secteur est, bien sûr, plus importante. Elle est éventuellement à votre disposition.

Les faits de fauchage ou de gyrobroyage de la parcelle communale et du tour du lac : Fin mars 2017, période du retour des Alouettes des champs, j’ai constaté avec inquiétude que la parcelle communale avait été fauchée ou gyrobroyée, et que la haie bordant cette parcelle communale et le chemin GR46 avait subi également le passage du gyrobroyeur. (A noter que, curieusement, la portion de chemin GR46 gardait dans le passage des ronces et des branches d’arbustes menaçantes). Cette haie a une grande importance pour la vie et la nidification des oiseaux. Elle doit être préservée. L’herbe de la parcelle communale était devenue trop rase pour pouvoir accueillir la nidification de l’Alouette des champs et du couple de Pipit rousseline. La nidification des Alouettes des champs a donc été retardée, et j’ai perdu le contact avec le couple de Pipit rousseline.

Le 21 juin 2018, en pleine période de nidification des Alouettes des champs (constatée personnellement : transport de nourriture par les adultes), j’ai découvert que la parcelle communale et le tour du petit lac avaient été rasés !

Ce qui impliquait, sans doute : destruction d’œufs et de poussins !

Les médias ont fait écho, cette année, de la chute des effectifs des oiseaux des champs. Et bien sûr, les Alouettes des champs en font partie.

Or, cette opération de fauchage ou gyrobroyage vient accélérer la disparition de l’espèce.

Même si une deuxième nichée intervient, le bilan de l’année sera moindre.

Chez les passereaux, la durée moyenne de vie est de l’ordre d’un an, et assure tout juste la survie de l’espèce.

Il est vrai que des Alouettes des champs nichent également dans les prairies maigres et subissent la fauche de l’herbe. Mais les propriétaires de ces parcelles ont besoin de ce foin pour leur brebis. Or, à l’évidence, la parcelle communale en pelouse sèche n’a pas vocation à fournir du foin.

Cette fauche, ou gyrobroyage, a fait disparaître les fleurs de la pelouse sèche encore présentes. Les plantes ont besoin de grainer pour se reproduire !

Dès mars 2017, ces opérations ont entraîné la disparition de magnifiques lichens au sol, qui mettront beaucoup de temps pour se reconstituer.

Cette pratique du fauchage ou gyrobroyage sur cette parcelle encourage la circulation des véhicules. En 2017, je me suis permis d’interpeller une personne, qui traversait la pelouse sèche sur un quad. Suivie, peu de temps après, par deux jeunes gens circulant sur des motos tout terrain.

Par ailleurs, alors qu’une piste permet la traversée de la parcelle communale, il existe des traces de circulation d’engins (VL probablement) sur cette parcelle communale, le long de la haie jouxtant le chemin GR46.

Réflexion et suggestions : J’avoue que je ne comprends pas cet acharnement à faucher ou gyrobroyer cette parcelle communale, qui est en pelouse sèche.

Bien au contraire, elle devrait être mise en valeur. Un panneau explicatif pourrait informer le public, lui permettant de découvrir ce qu’est une pelouse sèche, la flore et la faune qui s’y développent.

Ainsi pourrait être rappelé discrètement quelques consignes de respect de la nature et des lieux. Ces consignes sont mieux prises en compte lorsqu’elles sont expliquées et comprises.

Les nombreux randonneurs que je croise sur ce site sont avides des quelques informations que je peux leur communiquer sur le monde aviaire qui fréquente ces lieux.

Le petit lac pourrait également bénéficier d’une mise en valeur similaire. Par exemple, deux panneaux en bruyère ajourés et discrets pourraient permettre, à ceux qui le souhaite et ont un peu de patience, l’observation du monde animal profitant du lac.

Des réalisations semblables ont étés effectuées sur les lavognes du causse Méjean (Drigas par exemple), avec l’aide des enfants des écoles, des habitants des hameaux, du Parc Régional et des collectivités territoriales.

Au débouché du chemin GR46, sur la route qui mène à la Pannonie, un parking pour VL pourrait être matérialisé.

J’ai cherché les raisons qui pouvaient amener au fauchage ou gyrobroyage de cette parcelle communale, mais je n’en ai pas trouvé qui me semblent pertinentes.

Il est vrai qu’en ce début d’été, il faisait très chaud.

- Tout d’abord, on peut penser à la sécurité pour prévenir les incendies. Mais le secteur est accessible par les routes, et la piste et les chemins offrent une possibilité de coupe-feu.

- Ce pourrait être pour prévenir une prolifération de tiques : Mais cela concerne les chemins de randonnées mais nullement la parcelle communale en pelouse sèche, pour les raisons évoquées précédemment. A cette époque de l’année, pour respecter la nature, il est préférable de rester sur les chemins.

- Est-ce pour préparer discrètement la disparition de la pelouse sèche et son biotope en vue d’un investissement foncier, économiquement plus rentable ?

J’ignore si les associations départementales de protection de la nature, les techniciens et scientifiques travaillant pour le Parc Régional ou le Conseil Général et L’O.N.C.F.S. ont connaissance de ces faits. Il me semble judicieux de les informer aussi par ce courrier, pour recueillir également leur avis.

Je souhaiterais en effet que mon courrier entraîne une réelle réflexion sur la gestion et la protection de cette parcelle communale et de son environnement proche. Je me tiendrais volontiers à votre disposition pour un éventuel entretien permettant d’approfondir le sujet.

En vous remerciant de votre attention.

Bien cordialement. Daniel Pareuil.

Annexe 1 : Répartition en période de nidification 2005-2012 du Pipit rousseline Anthus campestris . Page 879 du volume 2 de l’Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidal Issa. Yves Muller.

En trait bleu, on devine le contour du département du Lot. L’un des deux points orange (nidification probable) au nord-nord-ouest du département représente le couple de Pipit rousseline, nicheur sur la parcelle communale et alentours près du lieu-dit Le Cloup, en face le petit lac de Magès (Rocamadour) (46). On perçoit parfaitement la rupture de répartition entre les populations méditerranéenne et atlantique. Les cartes de répartition, établies après les inventaires de 1970-1975 et 1985-1989, montrent davantage d’homogénéité et une absence de rupture entre les deux populations.

Annexe 2  : Répartition en période de nidification 2007-2010 de l’Alouette des champs Alauda avensis . Page 222 de l’Atlas des oiseaux nicheurs de Midi-Pyrénées (éd. 2012). Nature Midi-Pyrénées.

Les quatre points rouges dans le département du Lot indiquent les « carrés » où l’espèce a été trouvée « nicheur certain ». Le plus nord est celui du secteur où se trouve la parcelle communale en pelouse sèche près du lieu-dit « Le Cloup », en face le petit lac de Magès. La Bouriane et le Ségala ne semblent pas connaître l’Alouette des champs et cela était déjà constaté lors des précédents inventaires.

La situation dans le Lot est précaire et, de plus, l’espèce est en déclin sur tout le territoire.

Annexe 3 : Répartition en période de nidification 2005-2012 de l’Alouette des champs Alauda avensis. Page 853 du volume 2 de l’Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidal Issa. Yves Muller.

Cette carte comprend celle de l’annexe 2 issue de l’inventaire de Nature Midi-Pyrénées 2007-2010, et permet de comparer avec le reste de la France métropolitaine.

Annexe 4 : Parcelle communale en pelouse sèche près du lieu-dit "Le Cloup" en face le lac de Magès (Rocamadour) (46). Après le fauchage ou gyrobroyage du 20/06/2018.

Annexe 5 : Alouette des champs chantant, pas très loin de son nid, sur la parcelle communale en pelouse sèche près du lieu-dit "Le Cloup" en face le lac de Magès (Rocamadour) (46), le 20/06/2016.

Avec des fleurs (Serpolet, Orpin…)…à comparer avec la vue précédente des lieux fauchés ou gyrobroyés le 20/06/2018 !!

Annexe 6 : Pipit Rousseline, perplexe semble-t-il après la fauche de la prairie maigre en bordure du lac de Magès et de la route vers La Pannonie, le 01/07/2015. L’espèce a-t-elle pu se reproduire ?

Annexe 7 : Fauvette Orphée circulant discrètement dans un Cerisier-de-Ste-Lucie de la haie bordant la friche et le sentier GR 46, le 30/05/2014. Difficile à observer, elle est néanmoins bien présente.

Annexe 8 : Fauvette passerinette stationnant dans le même Cerisier-de-Ste-Lucie de la haie bordant la friche et le sentier GR 46, le 31/05/2014. Les arbustes, même morts, ont leur utilité. Pour les oiseaux, ce sont des observatoires d’où ils peuvent contrôler et signaler leurs territoires. Plusieurs couples nichent dans la friche.

Annexe 9 : Alouette des champs près de son nid, sur un poteau de clôture de la prairie maigre en bordure du lac de Magès et de la route vers La Pannonie, le 23/06/2018.

Elle compte sur vous, Monsieur le Maire et sur vos Conseillers Municipaux.

Voir le lien : https://www.mnhn.fr/fr/recherche-expertise/actualites/printemps-2018-s-annonce-silencieux-campagnes-francaises

Courrier diffusé à :

Mairie de Rocamadour

Conseil Général : Service environnement. Espaces Naturels sensibles.

Parc Naturel Régional des Causses du Quercy :

Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Lot :

Muséum national d’Histoire Naturelle

Centre d’Etudes biologiques de Chizé-C.N.R.S.

L.P.O. et L.P.O. Lot

Société des Naturalistes Lotois

Site Lot Nature

Toutes les photos sont de Daniel Pareuil.

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