Photos réponses 95-2.

Chevalier culblanc Tringa ochropus

Samedi 4 novembre 2017, par Daniel Pareuil // Oiseaux mystère de Daniel

Un grand bravo aux fidèles contributeurs J.J. Lacroix, M.L. Vieille et Catherine Michels qui ont fourni des réponses pertinentes à cet « Oiseau mystère 95-1 » un peu particulier.

En effet, l’observation des limicoles demande un peu d’expérience. Ils ne sont visibles qu’à certaines périodes de l’année et ne peuvent pas être approchés facilement.

Rapidement, deux candidats ont été poposés, le Chevalier culblanc Tringa ochropus et le Chevalier sylvain Tringa glareola. Ils font partie des « paires », parfois difficiles à différencier.

Personnellement, je me souviens d’avoir noté dans ma base de données, « limicole non identifié », pour l’observation d’un Chevalier culblanc ( ?) ou Chevalier sylvain ( ?), sur une petite mare dans le département de l’Aisne. Je n’étais pas arrivé à trancher entre les deux, mais j’avais noté un certain nombre d’éléments décrivant l’oiseau que je voyais.

Plusieurs années après, relisant cette donnée, je pouvais affirmer, à la lecture des éléments notés, qu’il s’agissait d’un Chevalier culblanc. Les observations successives de ces deux espèces de limicoles, et la lecture attentive des guides d’ornithologie avaient renforcé mon expérience.

Revenons à l’oiseau mystère 95-1. C’est un limicole : petit échassier se nourrissant sur les vasières, de silhouette relativement élancée. Nous écartons les bécasseaux, plus ramassés, et nous nous orientons vers les Chevaliers.

Les Chevaliers font partie de l’ordre des Charadriiformes (limicoles) et de la famille des Scolopacidés.

Dans un premier temps, la taille, la forme et la longueur du bec, la couleur des pattes, certains détails de plumage flagrants et moins flagrants, vont nous aider à faire notre choix parmi 8 espèces communes et 4 espèces rares, observées en France.

La taille est difficile à évaluer sur les photos.

La couleur vert jaune des pattes de l’oiseau mystère 95-1 élimine :

- parmi les espèces observées communément en France : les Chevaliers gambette Tringa totanus, arlequin Tringa erythropus, aux pattes rouges, le Chevalier bargette Xenus cinereus, aux pattes jaunes.

(Attention : Les juvéniles de ces espèces ont des pattes rouges pâles ou jaune pâle et tous ces oiseaux qui se déplacent dans la vase peuvent avoir des pattes en partie grisâtres.)

- parmi les espèces observées rarement en France : le Chevalier à pattes jaunes Tringa flavipes et le Chevalier criard Tringa melanoleuca aux pattes jaunes.

Un détail de plumage flagrant  : l’oiseau mystère 95-1 n’a pas, au niveau de l’épaule (avant de l’aile pliée), de remontée blanche, comme c’est le cas pour :

-  l’espèce observée communément en France : le Chevalier guignette Actitis hypoleucos.

-  l’espèce observée rarement en France  : le Chevalier grivelé Actitis macularius.

Autres détails de plumage moins flagrants :

Chez l’oiseau mystère 95-1, au niveau de la poitrine, la limite entre le sombre des parties supérieures et le blanc des parties inférieures est nette. Ce n’est pas le cas pour :

- les espèces observées communément en France : tels les Chevaliers aboyeur Tringa nebularia, stagnatile Tringa stagnatilis et sylvain Tringa glareola, où cette zone est diffuse.

Chez l’oiseau mystère 95-1, les barres noires et blanches de la queue sont larges, alors qu’elles sont étroites chez les Chevaliers aboyeur, stagnatile et sylvain.

La taille, lorsqu’elle peut être évaluée, et c’est souvent le cas sur le terrain, élimine les Chevaliers aboyeur et stagnatile qui sont hauts sur pattes.

D’autres détails du plumage permettent d’éliminer le Chevalier sylvain.

Chez ce dernier :

- le sourcil clair se prolonge nettement à l’arrière de l’œil,

- le trait loral noir est prolongé en arrière de l’œil par le trait sourcilier.

- le cercle oculaire ne ressort pas,

- les parties supérieures sont densément mouchetées, de blanc chez l’adulte, de pâle chez le juvénile,

- la silhouette est élégante, élancée.

Chez les Chevaliers culblanc et solitaire Tringa solitaria :

- le sourcil blanc s’arrête à l’œil,

- seul existe un trait loral noir,

- le cercle oculaire blanc ressort bien,

- les parties supérieures sombres sont finement tachetées (il faut, pour les voir, de bonnes conditions de lumière et un faible éloignement.)

- la silhouette habituelle est ramassée.

Comment distinguer les deux derniers candidats, l’un étant commun et l’autre rare en France : les Chevaliers culblanc et solitaire ?

Ce n’est pas facile !

Chez le Chevalier solitaire :

- le départ de la queue (croupion) est barré de noir. Des amorces de barres sont visibles sous la pointe de l’aile repliée, si vous avez la chance que l’oiseau ne laisse pas pendre très légèrement son aile.

- le croupion est noir. Cela est facilement visible, en vol, au décollage, lors de l’étirement des ailes.

Chez le Chevalier culblanc, comme son nom l’indique, le croupion est blanc, et les barres noires, limitées à deux, sont en extrémité de queue.

De plus, chez le Chevalier solitaire en comparaison avec le Chevalier culblanc :

- le cercle oculaire est plus marqué,

- les taches blanches des parties supérieures sombres ressortent davantage,

- la projection primaire est plus importante,

- la silhouette est plus élancée.

Mais ces derniers critères sont difficiles à apprécier !

Aucun des critères d’identification du Chevalier solitaire n’est visible sur les photos de l’oiseau mystère 95-1 et la date de la première prise de vue ne correspond pas à celles des rares observations en France de ce Chevalier nord-américain (août à octobre).

L’oiseau mystère 95-1 est un Chevalier culblanc Tringa ochropus.

La réponse en photo.

La Chevrolerie (St-Julien-sur-Cher) (41), le 16/07/2009, Daniel Pareuil.

Le cercle oculaire bien visible, l’absence de sourcil clair et de trait sourcilier, à l’arrière de l’œil, la limite nette du sombre et du blanc sur la poitrine, les deux seules barres noires sur la queue, confirment bien le Chevalier culblanc.

Adulte ou juvénile ?

- Chez l’adulte nuptial : le plumage des parties supérieures est brun noirâtre, moucheté de petites taches claires. Les rémiges (ailes) sont nettement brun noirâtre et les couvertures sus-alaires et le manteau sont pointillés de blanc. La calotte est finement striée de blanc. Les parties inférieures du plumage sont blanc pur.

La distance aidant, le plumage des parties supérieures brun noirâtre peut apparaitre exempt de petites taches claires.

Mue complète de mi-juin à novembre, démarrée selon les individus.

- Chez l’adulte inter-nuptial ou hivernal : le plumage des parties supérieures est davantage brun grisâtre, moucheté de plus petites taches moins claires, voire indistinctes. La poitrine est plus grise et les stries plus diffuses.

Mue partielle entre février et mai.

- Chez le juvénile : le plumage des parties supérieures est semblable à celui de l’adulte inter-nuptial en plus chaud, moucheté de petites taches rousses ou chamois ou chamois chaud (selon les auteurs).

Sur ce dernier critère, la confusion est possible avec le Chevalier sylvain juvénile.

Mue partielle d’août à décembre.

J’ai extrait ces détails descriptifs du « Guide des limicoles » de D. Taylor, des « Limicoles » de P. Géroudet, édition mise à jour par G. Olioso, du « Guide d’identification des oiseaux en main » de L. Demongin.

Les variantes de teintes proches, plusieurs mues pouvant se produire sur de grandes périodes, une variabilité des dates de migration et d’hivernage, rendent le sujet ardu et passionnant à la fois.

J’avoue que c’est un peu compliqué et difficile à mettre en pratique !

Néanmoins, je pense que l’oiseau mystère 95-1, dont je viens de présenter la photo réponse, est un adulte ayant un plumage hivernal ou inter-nuptial …peut-être inachevé.

La migration des adultes démarrant très tôt, dès juin, il est fort probable que ce Chevalier culblanc, observé en France le 16/07/2009, soit un adulte.

Mâle et femelle ne peuvent être distingués par le plumage.

Marais au point le plus bas de la doline La Lande (St-Georges-de-Levéjac) (48), le 31/03/2008, Daniel Pareuil.

Ici, je crois qu’il s’agit d’un adulte en plumage nuptial.

La calotte est striée de blanc, les parties supérieures du plumage sont brun noirâtre et les parties inférieures blanc pur. Les taches blanches sont bien visibles, la photo a été prise dans de bonnes conditions d’éclairage et de distance.

Coup d’œil sur la nidification et la migration de cette espèce.

Son aire de nidification s’étend du nord de l’Europe à l’est de la Sibérie, et la migration s’effectue selon deux voies, l’une européenne et l’autre asiatique.

Comment cela se passe-t-il ?

Prenons l’espèce en hivernage en Afrique ou en France, par exemple.

La mue partielle du plumage s’est effectuée sur les lieux d’hivernage. Le Chevalier culblanc quitte ces derniers, d’avril à mai, pour rejoindre les forêts marécageuses de la taïga.

Après une courte parade nuptiale aérienne ponctuée de quelques chants, le couple recherche un nid non occupé de Turdidés (Merle, Grives), de Geai des chênes, parfois d’Ecureuil, et le regarnit de mousses et de lichens. La femelle y pond 4 œufs en quelques jours (à noter que ces œufs ont une forte ressemblance avec ceux du Chevalier sylvain). L’incubation est démarrée, assurée par le mâle et la femelle, et l’éclosion a lieu trois semaines après la ponte. Dans les deux ou trois jours qui suivent, à l’appel des parents, les poussins, qui sont nidifuges, sautent du nid. Au sol, ils suivent leurs parents pour rejoindre une cache dans une zone humide, où ils auront de la nourriture et la sécurité. Cette marche au sol peut atteindre 300m !

Très rapidement, la femelle quitte la cache et démarre sa migration, laissant le mâle s’occuper des jeunes…nous sommes en juin !

Environ 5 semaines après, le mâle et les juvéniles quitteront la cache. Cela explique les forts passages en juillet et, particulièrement, en août. Mais aussi, qu’en août, l’on observerait, semble-t-il, davantage de juvéniles que d’adultes. Encore faut-il pouvoir faire la différence, car les adultes observés en France, en passage ou sur les sites d’hivernages, peuvent avoir démarré leur mue et être en plumage inter-nuptial. Les bagueurs, ayant l’oiseau en main, en étudiant le plumage et son état, détermineront l’âge de l’oiseau capturé.

La migration s’étale donc de juin à septembre, car tous, et particulièrement les juvéniles, ne sont pas aptes à partir en même temps.

L’espèce utilise donc une stratégie complexe pour continuer d’exister, face à la prédation.

En France, la nidification de l’espèce a été soupçonnée, mais pas prouvée.

Bords de Doubs, derrière le château, observé de l’autre rive (Lays-sur-le-Doubs) (71), le 18/06/2006, Daniel Pareuil.

Ce groupe de trois Chevaliers culblancs comprenant 1 adulte, à gauche, et probablement 2 juvéniles, observé un 18/06/2006 et dans un milieu favorable, pourrait évoquer une nidification locale. Mais il se peut que ce groupe soit en halte migratoire.

Quelques immatures qui restent sur les sites d’hivernage compliquent les recherches pour d’éventuelles nidifications dans des milieux peu accessibles.

Parke ekologihoa Plaiaundi (San-Sebastien) (Espagne), le 13/04/2011, Daniel Pareuil.

Ces deux individus ont, ou commencent à avoir, des stries blanches sur le dessus de la tête. Ce sont probablement des adultes de Chevalier culblanc. Ils ont, peut-être, entamé la migration prénuptiale. Ils ne sont pas au même stade, en ce qui concerne leur mue partielle. Cette mue concerne les plumes de couvertures et les tertiaires.

Etang des Planchettes, D14 avant Pessillot (Vendoeuvres) (Brenne) (36), le 13/08/2006, Daniel Pareuil.

Parmi les Chevaliers, le Chevalier culblanc est de taille moyenne. C’est un Chevalier à pattes courtes de couleur vert jaune.

Il a très souvent cette posture ramassée, qui le distingue bien du Chevalier sylvain. Il est souvent seul ou en petit groupe de 3 individus. Il hoche la queue fréquemment, comme le Chevalier guignette.

C’est un oiseau farouche qui se mêle peu aux autres limicoles et fréquente, comme sur cette photo, la vasière assez réduite d’un petit étang.

On peut trouver le Chevalier culblanc, en passage ou sur les sites d’hivernage : bord de rivières, étangs, plans d’eau, fossés de zone humide, mares, vasières littorales.

La migration s’effectue de nuit.

La Fontaine-aux-Oiseaux, lac du Temple (Radonvilliers) (10), le 21/08/2009, Daniel Pareuil.

Ce Chevalier culblanc, de face, nous permet d’apprécier la limite nette du plumage de la poitrine, sombre et blanc.

Les deux sourcils blancs qui s’arrêtent à l’œil sont bien visibles.

Marais de la Guittière (Talmont St-Hilaire) (85).Daniel Pareuil, le 02/07/2011, Daniel Pareuil.

La nourriture du Chevalier culblanc est constituée d’ insectes, de crustacés, d’araignées, de mollusques et de vers annélidés.

Ici, nous pouvons bien apprécier la couleur vert jaune des pattes. A noter que les pattes du Chevalier sylvain sont jaunes.

Cri de contact : Tluit, alarme : tlip-tlip-tlip.

Palissade, étang Faure, écopôle du Forez (Chambéon) (42), le 10/10/2015, Daniel Pareuil.

Enfin, vous allez pouvoir découvrir le croupion, du moins en partie, du Chevalier culblanc ! Ce détail important, bien visible en vol, lui a donné son nom vernaculaire. C’est également un critère diagnostique permettant de différencier le Chevalier culblanc du Chevalier solitaire, qui lui ressemble et a les mêmes mœurs.

A noter que le Chevalier culblanc possède des ailes noires dessous et dessus, il n’a pas de barres alaires claires comme le Chevalier guignette. Ce dernier est un des rares limicoles avec qui le Chevalier culblanc cohabite sur les sites d’hivernage et de passage.

Palissade, étang Faure, écopôle du Forez (Chambéon) (42), le 10/10/2015, Daniel Pareuil.

Le même Chevalier culblanc, en hivernage, à 11h40. Les taches des parties supérieures du plumage sont bien visibles. Vous pourrez comparer cette photo avec la suivante, prise à une heure différente, donc avec un éclairage différent.

Palissade, étang Faure, écopôle du Forez (Chambéon) (42), le 10/10/2015, Daniel Pareuil.

Le même oiseau à une heure différente, à 17h02. Les taches ne sont plus très visibles. L’éclairage et la distance d’observation doivent être optimums pour une bonne étude du plumage.

Actuellement, le Chevalier culblanc se rencontre un peu partout, en hivernage ou de passage, dans les milieux qui lui conviennent.

Dans le département du Lot, il n’y a pas de donnée d’hivernage, peut-être par manque de prospection. Par contre, personnellement, j’ai pu l’observer :

- en halte migratoire prénuptiale :

Gramat (46), plan d’eau du Tumulus : 19/03/2004 (1), 23/03/2006 (1), 31/03/2006 (4), 24/03/2009 (1), 29/03/2009 (3), 30/03/2009 (3), 31/03/2009 (2), 02/04/2009 (1), 27/04/2010 (2).

Laramière (46), plan d’eau, anc. Prieuré : 04/04/2012 (1).

- en halte migratoire postnuptiale :

Laburgade (46), lac du Fraysse : 09/06/2011 (1) Date très précoce.

Gramat (46), plan d’eau du Tumulus : 20/08/2003 (2), 29/08 /2003 (1), 30/07/2003 (1).

Laramière/Loupiac (46), Pland’eau du moulin de Bannac : 19/09/2012 (1).

Actuellement, en France, l’espèce est protégée. Sur la liste rouge nationale, son statut est :

- Hivernant : NAc, c’est à dire : (NA) « espèce non soumise à évaluation ». ( c) « car régulièrement présente en métropole ou en passage mais ne remplissant pas les critères d’une présence significative ».

- de passage : LC, c’est à dire : « préoccupation mineure ».

- Tendance : hivernage en forte augmentation (1990-2013). Déplacement possible de l’aire d’hivernage.

Sur la liste rouge mondiale : LC, c’est à dire : « préoccupation mineure ».

Il est intéressant de regarder l’oiseau mystère 52 qui traite du Chevalier Guignette Actitis Hypoleucos et du Chevalier grivelé Actitis macularius.

http://www.lotnature.fr/spip.php?article634

Si vous constatez des erreurs, veuillez m’en excuser et faites-les moi connaître, je vous en remercie.

J’ai bien révisé !…Et vous, cela vous a plu ?

A bientôt et avec plaisir.

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