Photos réponses 93-2.

Fuligule morillon Aythya fuligula

Dimanche 17 septembre 2017, par Daniel Pareuil // Oiseaux mystère de Daniel

L’oiseau mystère 93-1 ressemble bien à un Fuligule milouinan Aythya marila, mais la date de la prise de vue du 28/08/2009 écarte cette solution. En effet, la rare présence de l’espèce en France se situe en hiver. De plus, ses routes migratoires ne survolent pas l’hexagone.

Cela n’a pas échappé à M.L. Vieille et Catherine Michels.

Quelques plumes blanches aux sous-caudales***, une calotte conique, et l’oiseau mystère 93-1 deviendrait un juvénile de Fuligule nyroca Aythya nyroca. Ces éléments sont difficiles à détecter sur cette photo.

La présence d’une petite huppe, ou d’un soupçon de huppe, solutionnerait très bien le problème et nous pourrions affirmer : Fuligule morillon Aytya fuligula, qui est bien présent en Brenne à la fin Août.

Etang Cistude, Maison de la Nature, réserve naturelle (St-Michel-en-Brenne) (36), le 28/08/2009, Daniel Pareuil.

En grossissant cette photo, on peut deviner une trace de huppe qui plaide pour une femelle.

Cela ne tient qu’à une ou deux petites plumes …Et, bien sûr, au bec !

Que faut-il rechercher sur le bec ? Il faut bien regarder son extrémité.

Chez le Fuligule milouinan, il y a une petite tache noire au niveau de l’onglet. (L’onglet étant la pointe centrale et finale du bec.)

Chez le Fuligule morillon, c’est toute l’extrémité qui est noire.

Pour les hybrides, il faudra regarder l’étendue du noir en extrémité de bec, et vérifier la compatibilité de ce critère avec les autres critères propres à chaque espèce source de l’hybridation.

Mais attention : chez les juvéniles et les femelles, le noir de l’extrémité du bec contraste moins que chez le mâle.

Il est temps que l’oiseau mystère 93-2 relève la tête et nous montre son bec !

Etang Cistude, Maison de la Nature, réserve naturelle (St-Michel-en-Brenne) (36), le 28/08/2009, Daniel Pareuil.

Sur cette photo, on peut constater que l’iris de l’oiseau est relativement terne, disons brun jaune, et que le blanc à la base du bec est peu étendu. Cela tend à montrer que nous avons affaire à une femelle ou un juvénile.

Mais dans la littérature, l’iris chez le juvénile est donné brun. Cela pencherait en faveur d’une femelle pour notre oiseau mystère 93-1.

Ouvrons l’éventail de la recherche :

L’extrémité noire très peu contrastée du bec déborde largement de l’onglet et l’étendue du blanc à la base du bec reste faible. Cela n’est pas en faveur d’un Fuligule milouinan juvénile.

Le profil de la tête est bien visible, il n’y a pas de calotte conique. Donc, ce n’est pas un Fuligule nyroca.

Un éventuel autre compétiteur nord-américain pourrait se présenter, le Fuligule à tête noire Aythya affinis. Il serait éliminé par le même critère qui élimine le Fuligule milouinan, la petite tache noire en extrémité du bec (uniquement l’onglet).

Attention aux plumes blanches de la queue. Certains Fuligules morillons possèdent quelques sous-caudales blanches, d’où une éventuelle confusion avec le Fuligule nyroca. Mais, chez ce dernier, toutes les sous-caudales sont blanches. Il présente alors un arrière tout blanc encadré de noir.

Concernant la possibilité d’un Fuligule morillon femelle ou juvénile.

Le 28/08/2009, nous sommes en fin d’été. Le plumage des femelles est en mue, la huppe peut être inexistantel’iris de l’œil est brun jaune !

25 jours d’incubation + 50 jours pour que le poussin devienne volant, cela fait un peu plus de 2 mois. Si la ponte a lieu en mai, un juvénile, le 28 août, reste possible. Sur ce même site, à la même période, j’ai observé des poussins non volants et pas des juvéniles !

Envisageons l’éventualité d’un hybride.

Un hybride femelle Fuligule milouinan x mâle Fuligule morillon peut être également envisagé. Mais, d’après le dessin de la page 35 du « Guide ornitho », l’anneau blanc à la base du bec, critère important pour la femelle Fuligule milouinan, est assez étendu. Par ailleurs, même si, en fin août, les premiers anatidés hivernants arrivent, cet hybride venant du Nord serait précoce. Dans la littérature, il est précisé que les hivernants de Fuligules morillons arrivent en France d’octobre à décembre. On peut penser qu’il en est sans doute de même des Fuligules milouinans.

L’oiseau mystère 93-1 est un Fuligule morillon Aythya fuligula juvénile ou femelle.

A vous de choisir ! Personnellement, je penche pour une femelle de Fuligule morillon.

Voyons maintenant un mâle adulte en plumage nuptialle critère du bec est plus visible… Et donc plus évident.

Etang Purais, réserve naturelle, Brenne (Lingé) (36), le 29/06/2013, Daniel Pareuil.

Le noir prend toute la largeur de l’extrémité du bec.

Etang Purais, réserve naturelle, Brenne (Lingé) (36), le 13/06/2009, Daniel Pareuil.

L’iris jaune brillant de l’œil indique un mâle adulte.

Le plumage du mâle évite les confusions d’identification.

Néanmoins on vérifiera :

- Au niveau du bec :

Que le noir fait la largeur de l’extrémité du bec.

L’absence d’une nette bande claire précédant l’extrémité noire du bec. Cas du Fuligule à bec cerclé Aythya collaris.

- Au niveau de la tête (silhouette en profil) :

La présence d’une huppe à l’arrière de la tête. Attention ! En plumage d’éclipse en fin d’été, la huppe peut être très petite ou avoir disparu.

Une calotte conique à l’arrière de la tête correspondrait au Fuligule à bec cerclé ou au Fuligule à tête noire.

Une calotte bien ronde à l’arrière de la tête correspondrait au Fuligule milouinan.

- Au niveau du plumage :

Le plumage du Fuligule morillon est bicolore.

Il est brun noir et brun sur les flancs, pour la femelle et le juvénile.

Noir et blanc pur sur les flancs, pour le mâle. En plumage d’éclipse, les parties blanc pur des flancs du mâle deviennent légèrement brunâtres.

L’apparition d’une troisième couleur sur le dos correspondrait aux Fuligules milouinan ou à tête noire.

Des flancs gris pâles commençant par du blanc pur, du côté de la poitrine, correspondraient au Fuligule à bec cerclé.

Je vais essayer de résumer cela dans un tableau de comparaison des mâles adultes des Fuligules visibles en France. Je n’aborderai pas le cas des hybrides, car je risque de ne pas m’en sortir ! « Le guide ornitho » propose quelques bons exemples.

Nom du FuliguleExtrémité noire du becSilhouette tête, calotte Plumage, flancs et dos autres critères
morillon large huppe bicolore, flanc blanc, dos noir *
milouinan onglet ronde tricolore, noir, flanc blanc, dos gris bec fort et large, femelle : large anneau à la base du bec
à bec cerclé large, précédée d’une bande claire arrière conique tricolore, flanc gris pâle et blanc, dos noir flanc blanc près de la poitrine
à tête noire onglet arrière conique tricolore, noir, flanc blanc, dos gris /
nyroca onglet arrière conique tricolore, tête et flanc brun rouge, dos noir, arrière blanc sous-caudales blanches encadrées de noir et œil blanc vitreux
milouin large arrière conique tricolore, flanc et dos gris, poitrine et arrière noirs, tête brun roux œil rouge

*Attention : au plumage d’éclipse en fin d’été (disparition partielle de la huppe, flancs légèrement brunâtres). Les mâles et les femelles peuvent être difficiles à différencier à partir du plumage.

Certaines femelles peuvent avoir parfois quelques sous-caudales blanches.

Les femelles possèdent un anneau blanchâtre plus ou moins large à la base du bec mais il n’est pas aussi large que celui des femelles de Fuligule milouinan.

Etang Purais, réserve naturelle, Brenne (lingé) (36), le 29/06/2013, Daniel Pareuil.

A gauche, la femelle, avec une extrémité noire large peu contrastée du bec et une zone blanche peu étendue à la base du bec.

A droite, le mâle, avec une extrémité noire large du bec et une huppe pas très fournie.

Etang des Essarts, réserve naturelle de Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 10/05/2010, Daniel Pareuil.

A droite, le mâle portant la huppe à l’indienne ; à gauche, la femelle avec une courte huppe.

La courte huppe peut rappeler un arrière de calotte conique au niveau de la tête, vu sous certains angles.

Le Fuligule morillon est un canard plongeur tout comme les autres Fuligules.

On remarquera que, sortis de l’eau, ces canards plongeurs présentent un volume que l’on ne soupçonne pas lorsque l’on les observe nageant en surface.

Leur squelette est moins pneumatisé**, donc plus lourd que celui des canards de surface. Ainsi, ils peuvent se déplacer plus facilement en plongee.

Le Fuligule morillon plonge en moyenne de 20 à 30 secondes, à une profondeur de 3 à 5 mètres et parfois un peu plus.

Etang des Essarts, réserve naturelle de Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 10/05/2010, Daniel Pareuil.

Comme on peut le voir sur cette photo, la palmure des pattes de ce mâle de Fuligule morillon est renforcée par la présence d’une membrane au doigt postérieur.

Cela facilite les déplacements en plongée et s’applique aux autres canards plongeurs et pas aux canards de surface.

En plongée, il trouve en grande partie sa nourriture : mollusques, crustacés et en été, végétation. En surface, larves d’insectes.

L’espèce fréquente les eaux douces : lacs, étangs, marais, réservoirs, bases de loisirs, rivières à faible courant, mais aussi lagunes saumâtres, estuaires, baies maritimes.

Digue du lac du Der (Giffaumont-Champaubert) (51), le 30/01/2011, Daniel Pareuil.

Une femelle en plumage nuptial, se reposant, le bec dans les plumes, pour limiter les déperditions de chaleur.

Le toilettage sur l’eau, chez le Fuligule morillon, est un spectacle garanti. Il laisse une patte dans l’eau pour maintenir son équilibre, bascule sur le côté et nous découvre son ventre blanc. Il peut alors lisser à loisir les plumes du ventre avec son bec. On peut retrouver cette attitude chez les autres fuligules.

Digue du lac du Der (Giffaumont-Champaubert) (51), le 30/01/2011, Daniel Pareuil.

Un mâle, en plumage nuptial, se reposant, le bec dans les plumes, pour limiter les déperditions de chaleur. L’œil est bien ouvert. A noter que les oiseaux dorment en battant cycliquement les paupières afin d’assurer leur sécurité.

Etang des Landes (Lussat) (23), le 04/08/2017, Daniel Pareuil.

Femelle surveillant des poussins ou canetons (six au total) qui s’exercent à la plongée.

Les couples commencent à se former dès novembre.

La parade nuptiale du mâle en approche de la femelle comprend trois mouvements :

- le basculement de la tête en arrière.

- le trempage du bec.

- la simulation du toilettage.

La nidification est tardive, d’avril à septembre. Le nid est au sol, bien caché dans la végétation herbacée près de l’eau. C’est une coupe d’herbes garnie de duvet. Ponte moyenne : 6 à 10 œufs.

Etang Cistude, Maison de la Nature, réserve naturelle (St-Michel-en-Brenne) (36), le 25/08/2016, Daniel Pareuil.

Ce poussin ou caneton est déjà grand. Il semble autonome. Effectivement, le mâle en premier, puis la femelle vont effectuer la mue du plumage. Pendant 17 à 28 jours, ils seront dans l’incapacité de voler et de s’occuper des poussins ou canetons.

Petit lac de la Joux Plane 1692m (Verchaix) (74), le 20/08/2017, Daniel Pareuil.

Ces poussins ou canetons sont déjà très débrouillés, mais ils sont sous la surveillance de la femelle. Elle est sur l’eau et se rapproche d’eux, du fait que j’observe avec attention sa progéniture.

Gravières Siadoux (Saverdun) (09), le 17/09/2006, Daniel Pareuil.

En vol, le Fuligule morillon découvre ses bandes alaires blanches et son ventre blanc.

Voix : le mâle émet un sifflement, et la femelle, un son rauque.

Sur la liste rouge française, le statut du Fuligule morillon est le suivant :

Nicheur : Préoccupation mineure (LC).

Hivernant : Quasi menacé (NT)

Protection nationale : espèce chassable.

Excusez-moi, si c’est un peu confus, mais le sujet, qui parait banal, ouvre de nombreuses pistes…Heureusement, je n’ai pas abordé le problème des hybrides, pourtant passionnant pour les ornithos.

Bien sûr, je reste ouvert à toute autre analyse et conclusion.

A bientôt et toujours avec plaisir.

Glossaire :

** Pneumatisé : Les os des oiseaux sont creux et contiennent de l’air qui est en relation avec leurs sacs aériens. Ainsi, l’oiseau gagne en légèreté et est plus performant pour le vol. A l’intérieur de l’os, une structure en croisillons assure sa solidité. Certains os longs concentrent la moelle osseuse. Les canards plongeurs ont des os plus lourds pour améliorer leurs performances en plongée, au détriment du vol.

*** Sous-caudales : Plumes de couvertures, sous la queue.

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4 Messages de forum

  • Photos réponses 93-2. 19 septembre 2017 17:26, par M-L Vieille

    Le mystère est levé ! ce n’était pas facile car ce Fuligule cachait bien son bec. En fait, le critère qui pouvait faciliter l’enquête c’était la date de la prise de vue me semble-t-il.
    M-L Vieille

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    • Photos réponses 93-2. 24 septembre 2017 22:07

      La date de prise de vue doit toujours être prise en compte. L’oiseau change de plumage pour différentes raisons à des périodes précises selon chaque espèce.

      C’est déjà beaucoup d’identifier l’espèce ou les espèces proches.

      A certaines périodes de l’année, l’identification peut devenir difficile…C’est toujours passionnant et enrichissant…Même, si au final, on n’est pas complètement sûr du résultat.
      Daniel Pareuil.

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      • Photos réponses 93-2. 1er octobre 2017 18:25

        Merci Daniel pour toutes ces explications bien détaillées.
        Les hybrides peuvent-ils se reproduire entre eux ou bien se reproduire avec une des espèces parentales ?
        Catherine Michels

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        • Photos réponses 93-2. 10 février 2018 21:59

          Chez les anatidés, les hybrides ne semblent pas être fertiles. Donc, à priori, pas de reproduction.

          Mais il n’est pas certain qu’il en soit ainsi pour toutes les espèces d’oiseaux.

          Dans le cas, par exemple des hybrides de Pie-grièche à tête rousse Lanius senator et de Pie-Grièche écorcheur Lanius collurio (voir oiseau mystère 71), on peut se demander si à terme, une nouvelle espèce ne pourrait pas apparaître.

          Mes connaissances actuelles ne me permettent pas d’être plus précis.

          J’accueille volontiers toutes informations complémentaires ou correctives.

          Merci pour la question. Daniel Pareuil.

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