Photos réponse 86-2.

Grand cormoran Phalacrocorax carbo.

Mercredi 7 décembre 2016, par Daniel Pareuil // Oiseaux mystère de Daniel

Bravo à Baptiste et M.L. Vieille pour leurs réponses pertinentes.

L’oiseau mystère étant bien visible, il était relativement aisé de s’orienter vers les Phalacrocoracidés ou Cormorans.

Ensuite, cela pouvait être un peu plus compliqué. En effet, 3 espèces de Cormorans peuvent être observées en France :

- Grand cormoran Phalacrocorax carbo

Sous-espèces :

Phalacrocorax carbo carbo, qui nidifie en bord de mer et a le statut de nicheur peu commun, migrateur et hivernant communs.

Phalacrocorax carbo sinensis, qui nidifie à l’intérieur des terres et a le statut de nicheur commun, migrateur et hivernant communs.

En dehors des périodes de nidification, les deux sous-espèces se répartissent en bord de mer et à l’intérieur des terres.

Elles sont difficiles à distinguer l’une de l’autre. Quelques éléments de comparaison :

La sous-espèce P.c. sinensis , comparée à la sous-espèce P. c. carbo , serait légèrement plus petite, aurait davantage de plumes blanches à la tête et au cou, et des reflets pourpres sur le reste du plumage en période de nidification. Chez P. c. carbo, les reflets du plumage sont verts.

- Cormoran huppé Phalacrocorax aristotelis.

Il est peu plus petit que le Grand cormoran et a le statut de nicheur peu commun, migrateur et hivernant assez peu communs.

Sous-espèces :

Phalacrocorax aristotelis aritotelis, nidifie en bord de mer, en Bretagne et en Normandie et hiverne sur ces mêmes côtes jusqu’en Picardie.

Phalacrocorax aristotelis desmarestii (Cormoran de Desmarest), nidifie en Corse et sur quelques îles au large de Marseille et sur les îles du Levant. Hivernages sur les côtes méditerranéennes.

Les deux sous-espèces sont difficiles à distinguer l’une de l’autre. Quelques éléments de comparaison :

La sous-espèce P.a. desmarestii, comparée à la sous-espèce P. a. aristotelis, serait légèrement plus petite, aurait un bec plus long et plus fin, une huppe plus petite et un plumage juvénile plus pâle.

- Cormoran pygmée Phalacrocorax pygmeus.

En France, c’est un migrateur occasionnel. Il niche dans les Balkans jusqu’en Asie centrale.

L’espèce est nettement plus petite que les deux autres espèces précédentes.

Quels sont les critères les plus déterminants qui vont permettre d’attribuer l’oiseau mystère 86-1 à l’une de ces trois espèces évoquées plus haut ? (Nous ne chercherons pas sa sous-espèce, c’est trop compliqué !).

Il y a la taille, bien sûr, mais c’est difficile à apprécier sur une photo, en l’absence d’éléments de comparaison.

Beaucoup plus facile : nous pouvons observer que l’oiseau mystère 86-1, de profil, a le front fuyant. Seul des trois espèces citées plus haut, le Grand cormoran présente cette particularité.

Le front des Cormorans huppé et pygmée est abrupt , formant une petite bosse sur l’avant du crâne.

L’oiseau mystère 86-1 possède une tache jaune à la base du bec, sous l’œil. Cette tache jaune, elle aussi, est particulière au Grand cormoran, toujours en référence aux trois espèces citées auparavant.

Ces deux critères sont valables en tous plumages et à tout âge.

La localisation en Brenne était favorable au choix du Grand cormoran, car le Cormoran huppé, qui peut être confondu avec le Grand cormoran, est rarement observé à l’intérieur des terres.

Le ventre et la poitrine blanche indiquent un juvénile.

L’oiseau mystère 86-1 est un juvénile de Grand cormoran Phalacrocorax carbo.

Etang des Essarts, Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 14/09/2012, Daniel Pareuil.

Le front fuyant, la tache jaune à la base du bec, sous l’œil, sont bien mis en valeur. Le ventre et la poitrine blanche indiquent un juvénile de Grand cormoran. Le reste de son plumage brun foncé, terne, est sans reflets.

Les pattes et les doigts de l’oiseau mystère 86-1 ? Ils sont noirs. Même s’ils apparaissent parfois gris sur les photos. Il s’agit probablement d’un effet de lumière.

Par ailleurs, en consultant divers guides ornithologiques, je n’ai pas trouvé de mention concernant une pigmentation particulière pour les pattes et les doigts des juvéniles. Et en regardant des photos de juvénile de Grand cormoran sur le site « Oiseaux.net », j’ai constaté qu’elles présentaient des pattes et des doigts noirs ou gris

J’ai demandé l’avis de A. Perthuis, ornithologue confirmé. Il pense également à un problème de lumière et il me signale :

« Le « Handbook of the Birds of Europe, the Middle East and North Africa » qui fournit des descriptions très détaillées, indique pour le juvénile : "leg and foot black".

Pour bien apprécier le critère du front fuyant du Grand cormoran, voici deux photos des deux autres espèces citées précédemment : le Cormoran huppé et le Cormoran pygmée.

Cap Fréhel (Plévénon) (22), le 03/06/2012, Daniel Pareuil.

Cormoran huppé adulte sur le nid dans une falaise, avec deux poussins.

Front abrupt, tiret jaune suivant le bec, pas de tache jaune à la base du bec, sous l’œil.

Dans les mêmes falaises, les mêmes rochers, en bord de mer, le Grand cormoran et le Cormoran huppé cohabitent. Suivant la distance d’observation, la confusion est possible.

Bord de Vienne, en face la gare, avant le pont (Aixe-sur-Vienne) (87), le 07/10/2007, Daniel Pareuil.

Cormoran pygmée juvénile, dispersion postnuptiale. Ici, la différence est nette.

Revenons au Grand cormoran.

Etang des Essarts, Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 15/10/2005, Daniel Pareuil.

A la vue du plumage terne de ces Grands cormorans, je pense qu’il s’agit d’immatures de premier hiver.

L’espèce est grégaire à tout moment de sa vie quotidienne, comme ici lors d’un séchage.

Mais elle l’est aussi :

- en déplacement : vol en formation.

- pour pêcher : il pêche seul ou en groupe.

- pour assurer sa protection au cours du sommeil : dortoir.

- pour se reproduire : colonie dans un même arbre, par exemple.

Etang de la Sous, R.N. de Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 13/10/2014, Daniel Pareuil.

Grand cormoran adulte en plumage inter-nuptial. Les adultes ont un iris vert émeraude, celui des juvéniles est brun gris.

Le Grand cormoran n’a pas la possibilité d’imperméabiliser son plumage. Aussi, après avoir pêché, il ouvre ses ailes et les agite doucement afin d’accélérer le séchage.

Etang de la Sous, R.N. de Chérine (St-Michel-en-Brenne) (36), le 13/10/2014, Daniel Pareuil.

Le Grand cormoran se nourrit de poisson d’eau douce ou de mer.

Ici, il a attrapé un poisson-chat, espèce envahissante et pas très appréciée des pêcheurs. Elle est communément capturée par le Grand cormoran.

Parmi les raisons qui sont avancées pour expliquer l’augmentation importante des Grands cormorans à l’intérieur des terres :

Il y a son classement d’espèce protégée au niveau européen, mais aussi l’eutrophisation des étangs et rivières. A savoir : l’enrichissement en phosphates et nitrates (engrais des cultures) a entraîné des déséquilibres écologiques qui favorisent une prolifération de la végétation aquatique, ou un appauvrissement du milieu en oxygène. Or, ce phénomène est favorable aux « poissons blancs » dont se nourrit le Grand cormoran.

La raréfaction du poisson en bord de mer, due aux pêches intensives du passé, peut aussi avoir joué dans l’augmentation des effectifs.

Les Grands cormorans des pays du nord de l’Europe, venant hiverner en France, forment des regroupements qui renforcent l’image de la prolifération de l’espèce.

L’espèce est protégée mais peut être soumise, à l’intérieur des terres, à des tirs de régulation.

En effet, en bord de mer, niche la sous-espèce Phalacrocorax carbo carbo qui a le statut de nicheur peu commun et ne peut être détruite. Contrairement à la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis qui a le statut de nicheur commun et niche à l’intérieur des terres. De plus, on peut imaginer le risque de confusion avec le Cormoran huppé.

Les tirs de régulation ne semblent pas très efficaces et par ailleurs, l’arrêt de l’extension des hivernants dans certains pays (Suisse, Autriche) laisse penser que l’accroissement de population va tendre vers sa limite.

Observatoire 18, parc ornithologique du Teich (Le Teich) (33), Le 02/04/2011, Daniel Pareuil.

Grand cormoran adulte sur le nid. Le cou et la tête sont garnis de plumes blanches et à la cuisse apparait une tache blanche caractéristique du plumage nuptial.

La quantité de plumes blanches au cou et à la tête permet de différencier les sous-espèces P.c. carbo et P.c. sinensis, mais ce plumage est de courte durée, ce qui ne facilite pas la tâche.

En moyenne, le Grand cormoran se reproduit au bout de 4 ans.

Observatoire 18, parc ornithologique du Teich (Le Teich) (33), Le 02/04/2011, Daniel Pareuil.

Couple de Grand cormoran sur le nid. Devant le nid où se trouve le couple, on aperçoit un autre nid avec un poussin couvert d’un épais duvet brun foncé.

Observatoire 18, parc ornithologique du Teich (Le Teich) (33), Le 16/05/2010, Daniel Pareuil.

Le nid est constitué de branches mortes et garni de plantes sèches. Il est construit par le couple dans des arbres peu élevés. Un même arbre peu porter plusieurs nids.

Sur ces deux nids, on voit que les adultes ont perdu les plumes blanches du cou et de la tête. La photo est de la mi-mai, les deux précédentes étaient du début avril.

En bord de mer, l’espèce niche dans le haut des falaises.

Le Grand cormoran est assez facile à reconnaître en vol. Sa silhouette forme une croix, animée de petits battements d’ailes précipités.

Généralement, il vole assez haut, alors que le Cormoran huppé vole à ras de l’eau. Mais cela n’est pas toujours très fiable et personnellement, au bord de mer, j’ai pu observer des Grands cormorans, volant seuls, au raz des vagues.

Il est assez silencieux mais peut émettre des cris rauques.

Le Vivier (Cours-sur-Loire) (41), le 04/10/2016, Daniel Pareuil.

Le soir, les Grands cormorans se regroupent en dortoir : ici, sur une île de la Loire. Les arbres servant de dortoir sont toujours les mêmes. Du fait des déjections, ils perdent leurs feuilles et dépérissent.

Couper les arbres pour éloigner les oiseaux ne s’est pas révélé efficace : les oiseaux choisissent d’autres arbres proches.

Voilà un petit aperçu sur le Grand cormoran, un oiseau souvent observé, mais probablement mal connu.

A bientôt, avec plaisir.

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