Voilà un oiseau mystère qui a suscité quelques interrogations !
Il est vrai que la photo le présentant ne le mettait pas en valeur. L’observateur avait eu le privilège de le voir en vol, à faible hauteur, dans de bonnes conditions. Mais ensuite, l’oiseau avait pris ses distances. Il s’agit d’un rapace, particulièrement discret.
Cette discrétion génère une méconnaissance de l’espèce, à l’image de sa position dans les guides ornithos. Il faut le chercher du côté des Eperviers s.p. Accipiter s.p. ou des Milans s.p. Milvus s.p. D’ailleurs les anglais l’appellent « Black-winged Kite » (les Milan noir et royal étant dénommés « Black kite » et « Red kite »). Sur la carte de distribution (Europe, Afrique du Nord et Moyen-Orient) qui accompagne la description de l’espèce ne figurent que quelques taches colorées éparses.
Tout cela explique probablement les interrogations.
Néanmoins la persévérance a été utile. Bravo à M.L. Vieille qui a fourni la bonne réponse et à MME Clamens qui a bien ouvert le chemin de la solution.
J’avais imaginé que les réponses pourraient s’orienter vers les mâles de Busards gris (Busards St-Martin Circus cyaneus, cendré Circus pygargus, pâle Circus macrourus) qui sont d’une taille légèrement plus grande et de silhouette nettement plus allongée. Mais il est vrai qu’aucun des mâles de ces trois espèces de busards ne possède des couvertures noires comme l’oiseau mystère 80-1.
L’oiseau mystère 80-1 est un Elanion blanc Elanus caeruleus adulte.
L’oiseau observé au lac de Magès (Rocamadour) (46) ne m’a pas laissé le temps de faire une photo le mettant davantage en valeur. Aussi, je vous présente celle d’un Elanion blanc photographié dans son secteur de nidification, le sud-ouest français.
Cazaou de Luc, lac de Miramont (Miramont-Sensacq) (40), le 23/09/2011, Daniel Pareuil.
De face, le blanc domine et la tache noire des couvertures alaires contraste fortement avec le reste du plumage qui est gris clair. L’extrémité des rémiges primaires est noire également, comme chez les mâles de Busards gris. Cela est davantage visible lorsque l’oiseau est en vol. Sur la photo de l’oiseau mystère 80-1, l’ombre du poteau téléphonique semble indiquer faussement une continuité du noir entre les couvertures alaires et l’extrémité des rémiges primaires.
Le regard de l’Elanion blanc est particulier, l’œil rouge ambré est encadré d’un mince loup noir. Ses pattes courtes sont jaunes.
Mais d’où vient ce beau petit rapace ?
Il est possible que l’espèce fut présente en Côte d’Or au 19 ième siècle.
Mais c’’est à partir de l’Afrique du Nord, du Maroc probablement, que l’Elanion blanc a entamé sa progression européenne. Cette dernière a commencé par l’Espagne et le Portugal. Les premières installations en France datent de 1980 dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Landes. Il faut attendre 1990 pour constater une nidification réussie.
Actuellement, il y aurait une vingtaine de couples nicheurs, dont la majeure partie se situe en régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Quelques autres cas de nidification ont été signalés dans l’Ain et en Lozère. L’expansion est lente malgré une bonne reproduction.
Son statut est donc celui d’un nicheur rare, généralement sédentaire, et d’un migrateur occasionnel.
Ses escapades font que l’Elanion blanc a été observé sur une grande partie du territoire français métropolitain. Personnellement, ma première observation d’Elanion blanc date du 18/02/2006 à Moisson (78). Le Sud-Ouest est assez loin ! En fait, le comportement de l’espèce est davantage erratique que migratoire.
Cette année, l’Elanion blanc a été observé, à ma connaissance, deux fois dans le département du Lot, en deux endroits différents. A Blars (46), fin août/début septembre 2015, G. Prépin com. pers. et Rocamadour (46), 23/09/2015, D. Pareuil, probablement le même oiseau.
La période de reproduction est vaste, elle démarre dès février et peut s’étendre jusqu’à l’automne.
Cazaou de Luc, lac de Miramont (Miramont-Sensacq) (40), le 23/09/2011, Daniel Pareuil.
Sur cette photo, au sommet d’une grosse haie, notre oiseau guette une proie. Cela peut être un rongeur, un insecte, un reptile ou un petit oiseau. C’est un chasseur très efficace. Il peut surprendre ses proies à partir d’un vol stationnaire, comme le Faucon crécerelle Falco tinnunculus, ou à partir d’un perchoir habituel, par une longue glissade épousant relief et végétation.
L’Elanion blanc est un oiseau des milieux ouverts : cultures, pâturages avec bois clairsemés. En Afrique, c’est un oiseau de savane.
Son besoin d’un biotope spécifique explique sa répartition clairsemée en Espagne et au Portugal.
Cet oiseau discret n’est pas très loquace au niveau de la voix.
Son observation n’est pas facile. C’est au moment où il chasse que l’on a le plus de chance de l’apercevoir. Le soir par exemple, sur son perchoir habituel ou effectuant une série de vols stationnaires en lisière d’un petit bois. Mais attention, cela ne dure pas très longtemps car c’est un chasseur efficace.
Cela explique, en partie, le petit nombre et la mauvaise qualité des photos prises en digiscopie.
Désolé pour la difficulté de cet oiseau mystère et à bientôt, je l’espère, toujours avec plaisir.
Bibliographie :
Le Guide ornitho éd. 2010 de Lars Svensson.
Le nouvel inventaire des oiseaux de France éd. 2008 de P.J. Dubois, P. Le Maréchal, G. Olioso, P. Yésou.