Vers une nouvelle perception sur le vivant

Le BRF : pourquoi le rôle du mycélium captive les jardiniers ?

Lundi 1er décembre 2014, par Tineke Aarts // 106. Le Jardin Bourian

On entend parler du sens négatif…

Il est surprenant que le rôle des champignons captive les jardiniers autant, car on appelle aussi le mycélium « la pourriture blanche »… Autre exemple : l’organisme responsable du mildiou se répand d’une année à l’autre sous formes de spores, comme c’est le cas pour la plupart des champignons… Quand nous entendons parler des champignons au jardin, c’est souvent dans un sens négatif (tavelure, rouille). De plus, vu le nombre de fongicides disponibles en magasin, nous ne savons plus si les champignons sont bénéfiques ou porteurs de maladies.

C’est pourtant grâce à ce réseau de filaments blancs (le mycélium) que la lignine des rameaux, broyés en automne, peut être transformée en nutriments pour les plantes. En peu de temps, il est possible d’obtenir de grandes quantités d’humus, capable d’assurer la fertilisation pour une durée d’au moins trois ans et d’avoir un sol qui absorbe bien l’eau.

Fèves qui poussent dans le BRF

Des liens entre les végétaux

Le rôle des champignons reste un sujet complexe et peu connu. Comment est-il possible que le BRF ait un tel effet bénéfique sur le sol ? Pour en savoir plus, le film « Les champignons, peuvent-ils sauver le monde ? » a été présenté dans le cadre du projet. On y apprend que le mycélium peut nettoyer des sols pollués par des carburants. On y voit comment ce champignon peut couvrir de vastes surfaces souterraines, créant des liens entre les végétaux. Les plantes, incapables de bouger, peuvent trouver de la nourriture plus loin ou plus profond grâce à ce réseau.

Les mystères au jardin

Mais comment tout se mutualise dans un jardin conduit en BRF, depuis la salade jusqu’au gros chêne ? Nous l’ignorons. La nature est d’une telle complexité et d’un équilibre si subtil, que l’homme ne saura jamais tout comprendre ; cela explique peut être l’enthousiasme pour le BRF : il y a encore des mystères…

Les champignons prospèrent dans le BRF

Dans la nature ; très peu pousse ou se reproduit tout seul. Tout est lié avec des relations complexes entre les organismes, la flore et la faune. Cette interdépendance est l’essence de la biodiversité. Les plantes s’entre-aident et sont dépendantes d’autres organismes (plantes, champignons, bactéries, insectes…). Pour cette raison, on met dans le jardinage naturel des cultures côte à côte qui font des associations bénéfiques et on applique des rotations. Aussi on laisse les racines des certaines plantes comme l’oseille sauvage (rumex acetosa) car leur système de racines peuvent aider les cultures à trouver de la profondeur et donc d’autres nutriments comme les minéraux… On profite de l’équilibre naturel.

Observer nous-mêmes

En expérimentant le BRF nous pouvons voir nous-mêmes ce qui se passe dans le sol ; quelles conditions favorisent sur le long terme la vigueur et la santé des plantes… C’est l’observation qui crée le futur bon jardinier (ou bonne jardinière) et cela était le but du projet ; essayer la technique ensemble pour en constater nous-mêmes les effets.

Pour bien appliquer et comprendre la méthode BRF, nous avons voulu nous faire guider et inspirer par Jacky Dupéty et la jardinière Karine Augiron (qui s’occupe des parcelles en BRF au Jardin Bourian) avec de bons résultats.

Selon le questionnaire, la majorité des jardiniers a constaté une amélioration de la structure du sol et a observé le mycélium. Les résultats pour les cultures semblent venir sur le long terme. Les cultures d’hiver (fèves et petit pois) ont mieux poussé sur le BRF que les cultures d’été. Pour les fruits rouges et les arbres fruitiers les effets ont été visibles dès la première année.

Le jardin potager est à ré-apprendre

Huit volontaires qui ont testé le BRF étaient des jardiniers confirmés en matière de potager et les autres, treize débutants, faisant un potager depuis moins de 5 ans ou pas du tout. C’est important à constater que la majorité n’était pas familière des techniques naturelles de jardinage ! Même les jardiniers confirmés ne laissaient pas tous les racines des légumineuses dans le sol après la récolte pour apporter de l’azote. La plupart des jardiniers n’avait jamais entendu parler de faim d’azote ! Toutes ces connaissances, primordiales pour un jardinage naturel, sont donc de nouveau à transmettre d’un jardinier à l’autre…

Faut-il ajouter compost ou fumier au BRF ?

Les récoltes moyennes étaient dues à de nombreux facteurs : la météo, la disponibilité et l’expérience des jardiniers et ont suscité d’autres questions : faudrait-il ajouter du fumier ou du compost au BRF, mélanger les méthodes ? Jacky Dupéty n’en est pas favorable : le but du BRF est de faire simple et nature. De surcroit, le fumier risque de nuire au mycélium…

Personnes qui expérimentent une culture sans apport de l’engrais, comme Richard Wallner de la ferme Au petit colibri, partagent cet avis. Les fertilisants peuvent déséquilibrer le système fragile. Si on les évite, il faut obligatoirement inclure des schémas de culture spécifiques, avec un rôle important pour les légumineuses et les alliacées. La Jardinière Karine Augiron montre aussi cette technique naturelle, donc sans apport des engrais, sur les buttes expérimentales du Jardin Bourian.

Le BRF n’est pas une solution magique pour un potager. En mettant des plants de tomates, demandeurs d’azote, directement dans le compost, comme dans une lasagne, on a certes des résultats plus rapides. Mais c’est une culture hors sol qui n’entre pas dans le même esprit de jardinage et les légumes n’auront pas la même qualité nutritive. Pendant les réunions, nous avons eu des discussions passionnantes sur ce sujet. Les comptes-rendus de ces discussions sont inclus dans le rapport-bilan que le Jardin Bourian vient de publier.

C’est intéressant ce qu’a écrit Jacky Dupéty en réaction après avoir lu les conclusions de ce rapport-bilan :

Que dire de ce rapport qui couvre trois années de partage, de découvertes, de communications, d’acquisition d’un nouveau savoir-faire ? C’est l’intelligence du vivant qui s’est mise en marche. La compréhension de cet univers caché qui nous nous nourrit a, je pense, bouleversé plus d’un(e) jardinier(e). Bouleversement de la compréhension mais aussi prise de conscience que nous sommes tous liés (comme le mycélium ?) et sur cette petite planète nous ne pourrons pas nous en sortir, les uns sans les autres. Tous autonomes mais tous liés, en symbiose. Merci d’avoir accepté ces perturbations, qui, je l’espère vous ont ouvert les portes d’une nouvelle perception.

Le mycélium crée des liens : ce peut devenir un grand réseau

Une nouvelle perception sur comment tout est lié

Le BRF est surtout une nouvelle perception sur comment tout est lié. Nous avons beaucoup appris de Jacky Dupéty et de la jardinière Karine Augiron. Actuellement, douze personnes se sentent capables de renseigner sur le BRF si quelqu’un demande leur aide. Dix personnes peuvent faire elles-mêmes du BRF dans leur jardin, car elles possèdent un broyeur.

Ce projet BRF peut aider à changer nos habitudes au jardin et rendre les sols plus vivants. Nous espérons, en partageant nos expériences, voir le BRF entrer dans les bons gestes de jardinage. Nous continuons cette année avec 20 jardiniers et nous nous réjouissons de tous les projets qui naissent actuellement dans le Lot. Bon vent au BRF et merci à Jacky Dupéty !

Au total, 24 jardiniers Bourians ont expérimenté le BRF sur une parcelle de 6m². Le rapport-bilan sur 3 ans d’expérimentation « Le BRF dans le potager : un savoir-faire à transmettre » est disponible à tous en PDF sur ce site dans l’article : http://lotnature.fr/spip.php?article1064
Les parcelles en BRF et les buttes expérimentales du Jardin Bourian se visitent gratuitement, 7 jours sur 7. Renseignements : jardinbourian@gmail.com

Article écrit par Tineke Aarts et Jocelyne Bécé, bénévoles au Jardin Bourian et coordonnatrices du projet BRF

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