Photos réponse 70-2.

Pigeon ramier Columba palumbus

Vendredi 13 juin 2014, par Daniel Pareuil // Oiseaux mystère de Daniel

Bravo et merci à Akha qui nous a fourni une excellente réponse, bien étayée.

L’oiseau présenté en « Photo d’oiseau mystère 70-1 » ouvrait une piste vers les Columbidés (pigeons et tourterelles).

Le plumage gris soutenu élimine les Tourterelles qui ont des plumages plus clairs. Celui de la Tourterelle turque Streptopelia decaocto, par exemple, est gris beigeâtre, ce qui le rend plus clair, bien distinct, et doit éviter normalement la confusion.

En ce qui concerne la zone couvrant l’Europe, l’Afrique du nord et le Moyen-Orient, la taille peut aider. Mais seuls, le Pigeon ramier Columa palumbus, le Pigeon des lauriers Columba junoniae* et le Pigeon trocaz Columba trocaz*, ont des tailles nettement supérieures à celle de la Tourterelle turque, laquelle est la plus grande des tourterelles.

Il nous faut donc différencier les Pigeons bizet Columba livia, bizet féral Columba livia (var. domestica), colombin Columba oenas et ramier Columba palumbus.

Voici un tableau qui résume les différents critères pour les quatre espèces observées en France.

EspèceCroupion blancBarres alaires blanchesAutres particularités
Pigeon bizet oui non 2 barres alaires noires
Pigeon bizet féral oui, non non parfois bariolé
Pigeon colombin non non marques noires aux grandes couvertures alaires**, silhouette harmonieuse
Pigeon ramier non oui tache blanche au cou pour l’adulte, silhouette : petite tête et gros corps

L’oiseau de la photo mystère 70-1 présente une barre alaire blanche. Certes, pas très visible, il faut la chercher sur le bord de l’aile repliée. Lorsque l’oiseau vole ou a les ailes ouvertes, de larges barres blanches apparaissent sur le dessus des ailes. Elles permettent une identification certaine, même de loin.

Le seul pigeon ayant ces barres alaires blanches est le Pigeon ramier.

Les Pigeons des lauriers, de Bolle, trocaz, n’ont pas, eux non plus, de barres alaires blanches.

L’oiseau mystère 70-1 est un Pigeon ramier Columba palumbus.

Bien sûr, la tache blanche au cou, présente chez l’adulte, et la silhouette un peu disproportionnée confirment le diagnostic.

La Bontat (Gramat) (46), le 26/05/2014, Daniel Pareuil.

La tache blanche au cou de cet adulte est davantage visible. L’oiseau se baigne dans peu d’eau, après la pluie. Pour bien se mouiller, il ouvre les ailes et bascule d’un côté et de l’autre. Le dessous de l’aile ne présente pas de barres alaires.

La Bontat (Gramat) (46), le 04/09/2011, Daniel Pareuil.

L’aile se déplie, la large barre alaire blanche apparaît.

La Bontat (Gramat) (46), le 26/05/2014, Daniel Pareuil.

C’est l’oiseau mystère 70-1 qui quitte le bain. La silhouette disproportionnée est manifeste : petite tête, gros corps.

La Bontat (Gramat) (46), le 11/04/2012, Daniel Pareuil.

Le croupion n’est pas blanc comme chez le Pigeon bizet.

La Bontat (Gramat) (46), le 23/04/2011, Daniel Pareuil.

La tête de l’adulte est colorée : l’iris de l’œil est jaune pâle, la base du bec est rouge et l’extrémité jaune, la cire** est blanche, la poitrine pourpre

La proportion de rouge sur le bec pourrait suggérer un mâle ( ?).

Polder de Sebastopol, île de Noirmoutier (Barbâtre) (85), le 04/07/2011, Daniel Pareuil.

La taille : comparaison d’un Pigeon ramier (au premier plan… évidemment, vous aurez repéré la barre alaire) avec une Tourterelle des bois Steptopelia turtur. Attention, ne pas oublier que la Tourterelle des bois est plus petite que la Tourterelle turque. Voir le rapprochement que j’ai fait précédemment entre la taille de certains pigeons et la Tourterelle turque.

La Bontat (Gramat) (46), le 07/09/2011, Daniel Pareuil.

Voici un adulte dans la position la plus courante.

La Bontat (Gramat) (46), le 11/04/2012, Daniel Pareuil.

Les lignes de distribution électrique ou téléphonique sont fréquemment utilisées pour les dernières approches et même les accouplements.

Ce couple nous fait chaud au cœur !

L’essuyage du bec sur les couvertures scapulaires** fait suite aux simulations de régurgitation. Ces gestes se font réciproquement.

La poitrine et le ventre du mâle seraient vineux et davantage rosé mêlé de gris chez la femelle. Le mâle serait plus fort en taille.

Il est possible que le mâle soit l’oiseau de gauche sur la photo.

En plus du roucoulement caractéristique, le mâle parade en vol. Il pratique un vol en feston** : brève et abrupte ascension suivie d’un plané, ailes raides, queue étalée et ainsi de suite.

Le nid rudimentaire, constitué de brindilles entrelacées, est placé dans les parties hautes d’un grand arbre ou d’une plante grimpante. Il y a une grande variabilité dans le choix des sites, et une corniche rocheuse dans une falaise ou une poutre de hangar peuvent très bien faire l’affaire.

L’espèce, lors de la nidification, est particulièrement sensible aux dérangements et de nombreuses pontes sont ainsi abandonnées. Cela serait en relation avec l’organisation routinière de sa vie quotidienne.

La ponte n’est que de 2 œufs, les adultes ne pouvant nourrir que 2 jeunes à la fois. Le nombre de pontes annuelles est de deux, parfois trois.

Les poussins sont nourris à l’aide d’une bouillie de graines régurgitée par l’adulte.

Voici une information, relevée dans la littérature : pour le choix de ses sites de nidification, le Pigeon ramier rechercherait la proximité avec le Faucon hobereau Falco subbuteo ou le Faucon crécerelle Falco tinnunculus, afin de protéger ses œufs des prédateurs.

Les hauts Bois (Mer) (41), le 02/08/2010, Daniel Pareuil.

Juvénile de Pigeon ramier. Notez l’absence de tache blanche au cou, le bec moins coloré et l’œil sombre. Par contre, sur la photo, la barre alaire blanche est bien présente, visible en bord d’aile repliée.

Pour aller plus loin dans l’analyse, il faudrait examiner l’extrémité des rémiges**.

Les hauts Bois (Mer) (41), le 02/08/2010, Daniel Pareuil.

Juvénile de Pigeon ramier. Sur cette photo, la barre alaire n’est pas très visible. La silhouette disproportionnée (petite tête et gros corps) et l’absence de taches noires sur les grandes couvertures le distingue d’un Pigeon colombin.

L’espèce est d’un naturel grégaire. Les regroupements sont fréquents pour les quêtes de nourriture. Les territoires de nidification autorisant le rapprochement sont restreints.

Le regroupement permet d’être plus vigilant vis-à-vis des prédateurs, la distance de fuite augmentant avec le nombre d’individus.

La nourriture est très variée et fonction de la saison : graines sauvages et de cultures, feuilles, herbe, glands, baies (celles du lierre sont particulièrement appréciées), invertébrés… Le Pigeon ramier avale également des petits cailloux pour réduire les aliments les plus coriaces.

Est-il sédentaire ou migrateur ? Cela dépend des ressources en nourriture, donc du climat et, sans doute, de la quiétude des lieux.

En France, dans les régions les moins enneigées, il est sédentaire. Mais à l’automne, les populations hivernantes du nord et du centre de l’Europe se retrouvent dans le sud-ouest de la France et en Espagne.

L’espèce évite de voler au-dessus des hautes montagnes et des grandes surfaces aquatiques. C’est pourquoi elle franchit les cols du Pays Basque qui sont les plus bas des Pyrénées.

Vous comprendrez la raison de la chasse intensive qui est pratiquée sur ces cols.

Dans le département du Lot, l’espèce est relativement bien présente. Mais les anciens disent souvent : "Avant, il y en avait bien davantage", et ils montrent avec nostalgie les arbres envahis par le lierre, qui étaient et sont encore leur refuge. Beaucoup de personnes guettent les grands et beaux vols de Pigeons ramiers migrateurs et déplorent leur raréfaction. Il est vrai que l’espèce a conquis les villes et leurs jardins.

Merveilleuse adaptation de cet oiseau initialement forestier et à la nidification si fragile, qui résiste, à priori, si bien dans le temps, malgré les pressions de chasse et de destruction. (L’espèce est souvent classée "nuisible" en rapport aux dégâts causés aux cultures. Mais curieusement, là où il n’y a pas de cultures, elle est aussi classée nuisible.)

Le Pigeon ramier est dénommé « Palombe », particulièrement dans le sud-ouest de la France. Parfois, à des fins cynégétiques, la confusion est entretenue en désignant ainsi également le Pigeon colombin dont les effectifs sont moindres et qui devrait être davantage protégé.

J’espère n’avoir pas été trop long et vous avoir intéressé. C’est un oiseau passionnant et relativement facile à observer.

N’hésitez pas, plongez-vous dans « Limicoles, Gangas et Pigeons d’Europe » de Paul Géroudet, édition mise à jour par Georges Olioso.

A bientôt et avec plaisir.

* : Pigeon des lauriers Columba junoniae endémique des îles Canaries.

* : Pigeon trocaz Columba trocaz endémique de l’île de Madère.

* : Pigeon de Bolle Columba bollii endémique des îles Canaries.

** Grandes couvertures  : plumes de couvertures alaires.

** Couvertures scapulaires  : plumes de couvertures de l’épaule.

** Cire : membrane qui recouvre la partie supérieure de la base du bec.

** Rémiges : plumes de l’aile servant au vol.

** Feston : point de broderie dont le dessin forme des dents arrondies. Dans le vol du Pigeon ramier, les parties ascendantes sont plus courtes que les parties planées.

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